Francis Saint-Martin

Francis Saint-Martin aime tellement la littérature populaire qu’il la collectionne depuis 40 ans. Sa bibliothèque regorge de bandes dessinées, de fascicules, de romans, revues et d’autres ouvrages. On y trouve presque tout ce qui s’est produit en science-fiction, fantastique et aventure depuis un siècle, soit, en l’état actuel de la collection (qui s’enrichit au quotidien), plus de 170 000 ouvrages. Il est, en outre, l’auteur de deux ouvrages de référence, publiés chez Encrage : Bob Morane, profession aventurier (co-écrit avec Rémy Gallard), une étude exhaustive sur le héros d’Henri Verne et Les Pulps, une bible sur les publications américaines de la première moitié du vingtième siècle.

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Comment démarre-t-on une telle entreprise ?

Dans l’école primaire où j’allais, il y avait une bibliothèque. Un gros buffet qui devait contenir deux cents livres, classés par ordre alphabétique. J’ai commencé le premier, qui devait être un Edmond About, puis j’ai tout lu jusqu’au dernier, sans doute un Verne. Ça m’a pris un an. J’ai alors réalisé que les livres que j’avais préférés étaient ceux d’imagination, pas ceux de littérature mimétique, de littérature générale, mais plutôt les romans de SF, de fantastique, historiques. Tous ceux qui m’éloignaient de mon monde, de mon quotidien, ceux qui comprenaient des éléments de rêves. Je me suis alors dit que j’allais lire tous les livres de SF et de fantastique qui existaient.

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Mais pourquoi ne pas simplement fréquenter une bibliothèque plutôt que d’en monter une ?

Tout jeune, je me suis rendu compte que je ne voulais pas lire de livres qui ne m’appartenaient pas. Je me suis donc mis à en acheter très tôt. J’allais chez le libraire de la petite ville où j’habitais et je prenais tout ce qui sortait. Jusqu’au jour où je me suis rendu compte que j’avais tout ce qui était disponible en librairie. Je devais avoir treize ans. Et il fallait donc que je passe à autre chose.

Si je collectionne, c’est par amour pour des auteurs qui ont apporté beaucoup de rêve aux lecteurs, même si leur production est anecdotique. Les bandes dessinées petits formats, par exemple, avaient vocation à être jetées, mais elles ont ouvert l’imagination de générations entières. Au-delà des genres, j’ai de la sympathie pour ces auteurs parce qu’ils ont apporté à énormément de lecteurs des sentiments que j’ai ressentis aussi.

Ma collection rassemble tout ce qui est imprimé correspondant à la littérature populaire. La science-fiction, le fantastique, les histoires de cape et d’épée, l’aventure, tous les genres en bande dessinée, mais je ne m’occupe pas du polar, de l’espionnage et de la littérature érotique ou pornographique. J’en ai quelques-uns, mais ce n’est pas systématique. Il n’y a que sur les fascicules populaires datant d’avant les années 40 que je ne fais pas de distinction de genre. Je ne prends pas les romans du Fleuve Noir, par exemple, à part la collection Anticipation évidemment, mais il m’arrive d’acquérir des titres de petits éditeurs de genre qui ne me concernent pas a priori. Soit parce qu’ils sont jolis ou bien pour les conserver.

J’ai la chance de pouvoir lire l’anglais, l’italien et l’espagnol et je peux donc prendre certains titres dans leur langue d’origine. J’ai toutes les bandes dessinées Bonelli, par exemple, beaucoup de comics américains et de romans de SF en anglais. J’ai arrêté d’acheter des mangas, en revanche. Les conventions de ces bd japonaises sont trop éloignées de celles de notre culture populaire.

Je ne suis qu’un amateur. D’abord parce que je ne connais pas tout. Et surtout amateur dans le sens de quelqu’un qui aime, qui goûte. J’aime le livre, l’objet qu’il représente, les couvertures, sa présentation. J’ai de la sympathie pour les éditeurs, même si je sais que certains d’entre eux sont des margoulins, des truands, je les aime malgré tout parce qu’ils ont offert, parfois sans faire exprès, des heures de bonheur et d’étonnement à des lecteurs.

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La collection de Francis Saint-Martin est rassemblée dans une annexe à sa maison de plus de 140 m². Pas un centimètre de place n’est perdu et les livres sont rangés de façon impeccable.

Une fois passés plusieurs rayonnages de petits formats 13×21, on arrive aux bandes dessinées plus grandes, comme les Artima des années cinquante ou les magazines Sagédition. On va indifféremment du western aux séries pour enfants en passant par les super-héros, avant de traverser plusieurs travées d’albums cartonnés. Ensuite on se retrouve dans une autre salle consacrée à la SF. Il y a d’abord les revues françaises (collec complète de Fiction ou de Galaxie, etc) et bon nombre de revues anglaises et américaines. On découvre après les romans de SF avec les collections complètes du Fleuve Noir Anticipation, de Présence du Futur, de J’ai Lu ou de Pocket, entre autres, avant les grands formats. Un peu plus loin il y a une impressionnante allée de romans SF-fantastique en anglais et enfin des pulps américains, magnifiques magazines aussi beaux que chargés d’histoires. Une troisième salle, comme une excroissance, abrite tous les journaux et les revues de bandes dessinées qui, pour des raisons de format, devaient être classés à part : collections exhaustives de SpirouPilote, Tintin (version Belge et Française), de Vaillant et sa suite Pif Gadget, mais aussi Fillette, Lisette ou Record… Pour sa part la bande dessinée britannique n’est pas oubliée : Valiant, Eagle ou TV Express et Mickey Mouse Weekly voisinent avec 2000 AD. Après plusieurs milliers d’albums Bonelli et autant de mangas, viennent ensuite les comics américains, dont quelques trésors à faire baver d’envie certains collectionneurs américains : outre les collections complètes de SpidermanX-Men ou Fantastic Four dans des états superbes, Francis possède aussi des comics plus anciens que le Silver Age ; il y a foule de Kirby, Ditko et d’autres génies graphiques américains.

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Certains livres ont peut-être pris de la valeur avec le temps, mais je m’en fiche. Pour moi, tous mes livres ont le même prix : 0 euro. Une fois qu’ils sont sur mes étagères, ils valent tous la même chose puisque je ne les vendrai pas. La seule chose qui me pousse à l’acquisition, c’est la soif de connaissance, une curiosité intense.

Des collections importantes comme la mienne posent le problème de la transmission. Je connais quelques autres gros collectionneurs qui n’ont pas de descendance ou dont les enfants ne s’intéressent pas aux livres. Et puis s’occuper d’une telle bibliothèque a un coût que tout le monde ne veut pas, ou ne peut pas, se permettre. Les bibliothèques institutionnelles ne veulent pas de ce genre de legs. Elles n’ont pas la place et il leur faudrait embaucher pour s’en occuper. Des collections comme la mienne sont des œuvres un peu utiles, mais qui risquent de se perdre.

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Le Démons et Merveilles de Lovecraft chez Opta, illustré par Druillet que je vénérais. J’ai acheté ce livre alors que j’étais étudiant à Bordeaux. Il était très cher et j’étais jeune, j’achetais déjà beaucoup de livres, mais celui-là, en valeur, en représentait plusieurs. J’ai fait un effort… mais, en fin de compte, je me suis laissé abuser par un mirage pseudo bibliophilique alors que, je le sais aujourd’hui, ce livre n’avait rien à faire dans ma collection ! On ne peut pas vraiment parler d’édition populaire quand on voit ce bel ouvrage, relié de cuir luxueusement gainé dans son étui de carton. Pourtant je ne pourrai pas m’en défaire, car ma bibliothèque ne compte que des entrées… pas de sorties !

FSM_MG_1481Francis devant son immense boîte à lettres.

FSM_MG_1539Howard était un écrivain de seconde zone avant qu’on ne rassemblât certaines de ses histoires en volumes cartonnés chez Gnome Press. Ces bouquins étaient fragiles, les couvertures en simple papier non pelliculé, supportent mal l’usure. Je n’ai pas acheté ces volumes à parution, je n’étais pas né et j’ai donc du me contenter de ce que j’ai trouvé plus tard. Ces livres ont été critiqués, certains textes ont été réécrits, de plus mes exemplaires ne sont pas en parfait état, mais tant pis, j’aime bien mes Conan de chez Gnome aussi. Pendant très longtemps l’oeuvre de Howard fut très très rare, seulement trouvable dans les vieux Weird Tales ou d’autres magazines rarissimes de ce genre.

Le premier livre que tu as acheté ?

Il m’est difficile de me rappeler du premier bouquin que j’ai acheté, avec mes vrais sous à moi, pas ceux de mes parents. Toutefois je me souviens d’avoir commandé, très tôt, vers six ou sept ans un album de Mocky et Poupy chez Fleurus et d’avoir demandé à ma mère de mettre un chèque du montant de mon emplette dans l’enveloppe ! J’ai toujours ce livre, mais comme il n’est plus en très bon état, j’ai quand même dû en racheter un autre pour mon confort visuel. L’autre est à la banque, coincé dans un coffre avec une luge.

FSM_MG_1557Les premiers numéros de Vargo Statten Magazine sont très beaux. Les Britanniques ont imité les pulps américains et ce fut le grand Ron Turner qui se chargea des couvertures. Le résultat fut magnifique, mais les ventes probablement moins ! Lancé en 1954, le millésime fatal pour les pulps, le journal ne s’accorda que quatre numéros en grand format avant de rejoindre la horde des digests. On changea même le titre en British Science Fiction Magazine, mais en vain, cela ne le sauva pas.

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Out of this world fut une tentative avortée de mélanger les domaines. Avon, l’éditeur, avait placé un cahier de bandes dessinées au centre du magazine. L’idée n’était pas sotte, d’autant plus que ces histoires étaient de qualité, le grand Joe Kubert fut au sommaire. Toutefois, les lecteurs des deux genres ne durent pas se cumuler et l’expérience ne dépassa pas le second numéro ! J’aime bien ces hybrides, ils symbolisent la richesse de la littérature populaire ainsi que la porosité des genres ! Gare aux définitions !

Prolifique à souhait John Russel Fearn utilisa de nombreux pseudonymes dont deux sont bien connus en France en raison de leur traduction au Fleuve Noir : Volsted Gridban et Vargo Statten. Fearn commença sa carrière vers la fin de la guerre 39-45, il écrivit des romans policiers comme des westerns mais c’est surtout avec sa SF, à partir de 1950 qu’il marqua les esprits ; en particulier quand ses romans parurent chez Scion books avec des couvertures signées Ron Turner… même notre Brantonne national en fut si bouleversé qu’il en transforma son style ! Ces petits volumes sont superbes et c’est toujours une joie pour moi de me replonger dans ces vortex colorés.

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Ah Zatan ! Les Italiens sont des génies dans tous les domaines, mais l’on a un peu trop tendance à mépriser le plus populaire d’entre eux ! Ils ont inventé le roman-photo et l’ont amené à des sommets… kitschissimes, d’accord, mais des sommets quand même. Après avoir adapté toutes les tarzanneries cinématographiques possibles sous le nom d’Antar, de façon à ne payer aucunes royalties aux Burroughs (An-Tar = les syllabes inversées de Tarzan, sans le « Z »), quand les films manquèrent, ils se mirent à réaliser leurs propres histoires. En Italie pas de problème, mais en France ce ne fut pas pareil, le pétrolier Antar ne vit pas cette parution d’un bon oeil et il fallut changer le titre. Antar devint donc Zatan, tiens revoilà un « Z » ! Mais là où ça se corse, c’est quand on sait que l’ennemi mortel de Zatan n’était autre qu’un gorille intelligent du nom de Satang !!!! Bref on eut droit à Zatan contre Satang et autres retours de Satang dans Zatan ! C’était croquignolesque à souhait. Sans même parler de la réalisation, trois ou quatre acteurs dans tous les rôles et un héros de la jungle grassouillet ! Un sommet vous dis-je !

FSM_MG_5513Autre spécialité italienne : les petits formats érotiques. Il y en eut plus de 5000 publiés en France. Tout était bon pour faire vendre et le sadisme nazi a ses (a)mateurs !!!!

FSM_MG_5519Satanik, un autre roman photo italien de grande qualité. Inspiré par la série de bandes dessinées Diabolik, on a là quelques petites pépites de sadisme sexy des années 60, hélas tombé sous la faux de la censure ! Les amateurs recherchent les quelques numéros parus en français (l’éditeur était italien) qui ne furent diffusés que dans les régions frontalières…

FSM_MG_5523Kimba, un autre tarzanide grassouillet. Ces pockets devenus peu fréquents sont des trésors d’invention ! Les scénarios, très souvent de science-fiction, s’accommodent autant que faire se peut d’une équipe fort réduite d’acteurs et des décors au rabais. Il n’empêche, une série complète de Kimba, ça en jette !

FSM_MG_5529Une pleine poignée de petits bouquins de chez Jean-Jacques Pauvert, avec Siné, Wolinski ou Topor au sommaire. Des couvertures toilées ou des cahiers en accordéon. C’était une belle folie à l’époque où tout était encore possible, la guerre atomique, mais aussi le départ vers les étoiles. Certains éditeurs rêvaient et leurs livres leur ressemblaient.

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Ta meilleure trouvaille dans un bac de livres pas cher (ou sur internet) ?

Difficile à dire, il faudrait, comme certains, l’on fait, tout noter au fur et à mesure ! Ça m’est arrivé maintes fois tout au long de ma longue carrière de collectionneur. Il y a peu j’ai récupéré deux fascicules populaires de 1946 en état neuf sur internet. Dans un tel état que la mauvaise encre brillait encore ! Dans un bac, une reliure du Roi des boxeurs de José Moselli !

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As-tu déjà vu une collection équivalente à la tienne ou mieux ? Si non, quelles bibliothèques notables as-tu visité ?

Franchement je n’ai jamais vu de collection aussi importante que la mienne, mais le nombre de bouquins n’a pas grande importance, car, chaque fois que je vais chez un amateur je reste tétanisé par les volumes que je ne possède pas ou que je crois ne pas avoir, ou la façon dont les livres sont rangés, voire même masqués par d’autres objets, des tableaux, des bibelots. En réalité chaque collection est un nouveau continent à explorer pour moi. Je regrette toujours de ne pas avoir assez de temps pour « connaître » la bibliothèque. Il me faudrait rester seul dans la pièce et l’explorer. C’est rarement possible, on doit à la convenance d’avoir des relations sociales ce qui me plait aussi, mais, en tant que véritable drogué, il me faudrait respirer tout ce papier. Apprendre ce que je ne connais pas et redécouvrir ce que je croyais savoir.

FSM_MG_1527As-tu déjà regretté de ne pas avoir acheté un livre ?

Maintes fois. Certaines quand le prix demandé était vraiment trop élevé pour moi ou bien quand l’état ne me satisfaisait pas sur le moment alors que… depuis je ne l’ai toujours pas retrouvé. On peut placer dans la première catégorie une collection complète des reliures Buffalo Bill de chez Eichler. Je devais avoir 18 ou 19 ans et le lot, même à 500 francs, dépassait ce que je voulais mettre (erreur fatale, en plus c’était dans mes moyens). Dans la seconde catégorie se nichent quelques revues du XIXe…

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Qu’est-ce qui est le plus excitant: la chasse, la trouvaille ou la lecture ?

Ce qui me plait le plus c’est la trouvaille. La chasse est fastidieuse et la lecture vite oubliée. Trouver quelque chose dans un endroit inattendu c’est sensationnel. Une fois, chez un antiquaire spécialisé dans le mobilier et l’argenterie, j’ai dégoté un carton de petits formats des années 60 dans une armoire. Arrivé à la caisse, le vendeur a jeté un regard dédaigneux sur ma trouvaille. Ah ça, a-t-il dit en réfléchissant avant d’annoncer un prix voisin du tarif du rachat du papier dans une déchetterie… Je suis parti avec mon carton, ravi. Cependant, même si j’aime à raconter cette histoire, ces bouquins n’avaient rien d’extraordinaire ! Comme quoi l’adrénaline c’est le pied !

Est-ce que ta passion a eu un impact sur ta vie personnelle ?

Ma passion a eu plusieurs influences sur ma vie personnelle en cela qu’elle m’a obligé à acheter ou modifier mes lieux de résidence en fonction du volume des livres qui arrivaient. Pendant un certain temps, j’ai eu assez d’étagères pour ranger mes livres, puis j’ai dû en stocker dans des cartons. Ça a duré un temps et ce n’était pas très pratique. Plusieurs fois, quand il me fallait un ouvrage, il valait mieux le racheter que perdre un temps fou à tout remuer pour, bien souvent, ne rien retrouver. Je me suis alors posé une question : Veux-tu collectionner des cartons, parce que si c’est le cas autant les conserver pliés, ça prendra moins de place ? Bien évidemment les cartons n’avaient rien à voir avec mon intérêt. J’ai donc dû me mettre en quête de locaux adéquats. Ils ont suffi un temps, puis rebelote ! À tel point que je crois avoir dépensé plus d’argent pour « loger » mes livres que pour les acheter !

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La somme la plus énorme que tu as craquée pour un (ou plusieurs) livres ? Et pourquoi ?

Il est difficile de répondre à cette question, car j’ai coutume d’acheter des livres aussi bien à l’unité que par lots. J’ai aussi absorbé une bonne partie de l’importante collection d’un ami maintenant décédé. Cet achat avait représenté plusieurs dizaines de milliers de francs à l’époque. J’avais payé en je ne sais plus combien de temps ! Le livre que j’ai acheté le plus cher, à la pièce, doit être l’édition anglaise de Wulf the Britton, soit une centaine de livres sterlings. J’étais très heureux d’avoir ce livre, car il reprenait l’intégralité des planches de Ron Embleton, un artiste dont j’admire le travail. Cependant, quand j’ai reçu le livre j’ai été un peu déçu par la reproduction des couleurs. Les pages sont ressorties plus sombres que sur les journaux d’origine que j’avais la chance de posséder et qui m’ont donc permis de comparer !

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Te reste-t-il des Graal, des bouquins inatteignables parce que  trop chers ou introuvables, mais que tu aimerais avoir ?

Nous avons la chance de fréquenter un domaine où les prix ne sont pas très élevés. Hormis une poignée d’ouvrages, rares sont nos livres qui dépassent ne serait-ce qu’une centaine, voire une cinquantaine d’euros ! Quand on parle avec des collectionneurs d’art, même modestes, on se situe toujours dans des sphères bien plus élevées. Bref, à vrai dire je pense que si je voulais vraiment acheter un livre très cher je pourrai le faire. Le problème se situerait plutôt dans la quantité ! Par contre il y a des tas de raretés, parfois sans valeur, qui m’empêchent de dormir ! Certains de mes amis, s’imaginant peut-être que j’ai tout, me demandent parfois de les aider sur le plan bibliographique. Bien sûr je ne peux jamais répondre favorablement à leurs sollicitations … hé bien j’aimerai bien avoir ces bouquins à ce moment-là.

FSM_MG_1589Si tu devais choisir trois livres de ta bibliothèque, lesquels ?

Trois livres ? Pfiiou, difficile. Je vais ruser : Les romans de Philip K. Dick, Le Monde du Fleuve de Philip José Farmer et les aventures du Lieutenant Blueberry de Charlier et Giraud !

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Où te fournis-tu ? Ou achètes-tu tes livres et dans quelles conditions ? Comment faisais-tu avant internet ?

Je me suis toujours procuré des livres partout où je le pouvais ou presque ! En effet, dans mon jeune âge, je ne voulais pas lire un livre qui ne m’appartînt pas. Donc j’achetais les livres chez mon libraire local. Néanmoins, assez vite, comme j’étais un lecteur vorace, je n’ai pu alimenter ma passion. J’avais tous les bouquins disponibles et la fréquence des parutions était moindre que ma capacité à les lire. Dans le même temps, je voyais sur les listes de livres parus des ouvrages qui m’intéressaient, mais qui n’étaient plus disponibles ! Il m’a fallu réagir : j’ai donc changé ma façon de faire. J’ai commencé à acheter des bouquins d’occasion, à la condition qu’ils soient d’aspect neuf. Sur les marchés, dans les boutiques, aux puces, bref partout où je trouvais du papier. Par correspondance aussi, car j’ai commencé très tôt à acheter aux États-Unis. L’expédition par bateau ne coûtait rien et l’on pouvait faire venir des caisses de livre pour une aumône. Quand je suis parti étudier à Bordeaux, un autre monde s’est ouvert à moi. Toutes les sources dont je disposais auparavant se sont multipliées. Des quantités de boutiques, de foires et les puces de St Michel où le papier ne valait rien, etc. C’était le paradis. Plus tard j’ai étendu mon rayon d’action. Avec deux bons camarades, gros collectionneurs comme moi, nous organisions des expéditions sur Paris et la Belgique en même temps que nous fréquentions les premiers vide-greniers qui, lentement, descendaient du nord vers nos contrées. Enfin, plus tard quand internet arriva, il me permit d’atteindre des sources lointaines et plus rares. Aujourd’hui mes ressources sont pratiquement les mêmes, je continue à fréquenter les boutiques survivantes comme les foires ou les brocantes, mais internet est peut-être mon fournisseur le plus précieux. Le réseau permet de chercher  partout et de trouver des trésors, même s’il impose une discipline difficile à tenir. Il faudrait disposer d’un temps infini !

FSM_MG_5535Satanax. Voilà un échantillon de toutes ces BD extrêmement populaires qui sont parues après guerre dans notre pays. Contraintes par une économie encore titubante, elles sont à peine lisibles aujourd’hui. Les thèmes, mais surtout les traitements de ces histoires révèlent un amateurisme touchant. Alors qu’aux États-Unis, qui éblouissaient toute l’Europe, une presse efficace et prospère déroulait sa magnificence colorée ; nous, nous n’avions droit qu’à de modestes opuscules vite torchés et, hormis les couvertures, en noir et blanc baveux. Il n’en demeure pas moins que tout ça est attachant, parfois surprenant et même étonnant. Satanax était un de ces héros, capable de tout en principe, mais toujours un peu décevant. Il n’empêche que le personnage a une certaine réputation. Peut-être parce que c’est un super-héros et qu’ils sont à la mode.

FSM_MG_5539Je collectionne les comics américains. J’ai des flopées de titres Gold Key, en anglais, ainsi qu’une demi-douzaine en français édités par Gold Key Limitée au Québec. Malgré mes nombreuses demandes outre Atlantique je n’ai jamais pu savoir si ces comics avaient été distribués ou si ceux que je possède ne furent que des essais sans suite. Tout cela m’intrigue beaucoup, car si j’en crois mes recoupements, en fonction des dates de publication et du catalogue de l’éditeur, il pourrait en exister plus d’une centaine. Et alors où sont-ils passés ? Comme j’aimerai avoir la série complète de Turok fils de Pierre ! C’est encore mieux que Rahan, fils de Crao !

FSM_MG_5541On connaît bien les comics qui furent publiés en français au Canada. Les traductions locales sont parfois fort amusantes, mais le principal intérêt de ces volumes était qu’ils publiaient des épisodes non censurés, contrairement à ce qui était pratiqué en France. La prudence des éditions Lug versait trop souvent dans la mutilation. L’autre atout de ces séries était de publier des histoires qui n’arrivèrent jamais chez nous à l’époque.

FSM_MG_5543André Guerber fut un éditeur majeur de la littérature populaire dans notre pays. Il publia des milliers de fascicules sous une vingtaine de noms d’éditeurs différents sans vraiment trop s’inquiéter de qualité. Toute sa littérature ou presque fut médiocre, mais pour s’en apercevoir il fallait lire les livres, pour ses BD, un simple coup d’oeil suffisait à renseigner le lecteur. Terreur et Monstre furent parmi les pires de ces séries. Importés d’Angleterre ces fascicules sont très rares, les ventes furent probablement catastrophiques, et je n’en connais aucune collection complète ! J’y suis tellement attaché que mes exemplaires sont tenus sous plastique pour les protéger au mieux, ce que j’abhorre pourtant !

FSM_MG_5549J’ai récupéré ces trois volumes originaux des contes d’Edgar Allan Poe dans un château où la bibliothèque était logée dans les murs massifs de la bâtisse. L’humidité des murs avait migré dans les placards et la plupart des livres était moisis, les champignons proliféraient entre leurs pages. C’était une véritable vision fantastique, assez appropriée pour ces histoires, mais pas pour le bibliophile.  Heureusement quelques livres étaient intacts, dont cette trilogie ! Que voilà un véritable miracle gothique !

Weird Tales est une revue mythique. J’aime tout particulièrement la période rouge ou C. C. Senf illustra les couvertures. Plus tard, Margaret Brundage arriva et on ne cessa d’encenser sa peinture. Pour ma part je ne l’apprécie pas vraiment, je la trouve trop lisse, voire même prude malgré les thèmes audacieux qu’elle illustra parfois ! Aussi, chaque fois que je le peux, je tire ces volumes de la bibliothèque et les présente à qui veut les voir. Je crois n’avoir jamais exhibé un Brundage !

FSM_MG_5555Qu’ais-je dis ? Revoilà Senf avec d’autres belles couvertures d’inspiration romantiques. Lovecraft était au sommaire du numéro de mars 1928.

FSM_MG_5556Toujours C. C. Senf en couverture de Weird Tales. Le magazine publia Lovecraft (un peu) et Howard (beaucoup plus) mais il accueillit aussi de nombreux autres auteurs. Seabury Quinn fut le plus prolifique de ces intervenants. Son détective Jules de Grandin est bien connu, mais on l’a peu lu, pourtant il vaut bien plus que ce que les détracteurs de sa fameuse interjection veulent bien laisser croire : Par la barbe d’un bouc vert !

Les pulps furent une terre prolifique s’il en fut. Ils ne coûtaient pas très cher à produire et n’étaient pas toujours très exigeants, aussi certains furent-ils d’authentiques chefs-d’œuvre. Ainsi G-8 and his Battle Aces ! Les Allemands imaginèrent toutes les trahisons pour jeter au sol l’aviation alliée. Ils firent appel à la technologie la plus débridée, au fantastique, à la magie, aux manipulations génétiques ou aux zombies pour combattre dans les airs. On était loin des chevaliers du ciel, et pourtant G-8, bien qu’Américain, ne perdit jamais son élégance face à cette démesure. Je l’avoue, j’aime ces histoires…

FSM_MG_5561Le Black Bat et le Phantom Detective furent deux autres détectives masqués dans la lignée du Shadow. Le premier fut l’inspiration de Batman !

FSM_MG_5562Golden Fleece se voulait un titre d’aventures historiques, mais en réalité il y parut de nombreuses histoires de fantasy. On y retrouva Seabury Quinn et Margaret Brundage aux côtés de H. Bedford-Jones ou Talbot Mundy, des wordsmiths habitués d’Argosy ou du Blue Book ; les rois de l’aventure. Le magazine est difficile à trouver.

FSM_MG_5564Air Wonder Stories ou du pur Gernsback enrobé dans du Frank R. Paul : la quintessence de la science fiction des origines. Tout ce que j’aime ! Un temps je voulais même acquérir les titres de vulgarisation scientifique de Gernsback, mais j’ai fini par renoncer. Dans les premières années leurs couvertures étaient aussi belles que celles-ci, souvent peintes par Paul d’ailleurs, mais plus tard elles s’affadirent, devinrent photographiques et bicolores. Soit, plus rien pour moi.

Tes habitudes de lecture: tu as un endroit pour lire ? Tu lis beaucoup ? Tu relis souvent ? 

J’essaie de lire le plus possible, mais ça ne représente pas tant d’heures par jour que ça, peut-être une ou deux, néanmoins trois ou quatre jours par mois, je lis toute la journée, soit une huitaine d’heures. Ça peut être partout. Je n’ai pas de siège affecté à cet usage. Un fauteuil ou un canapé font parfaitement l’affaire… ainsi qu’un lit, mais je ne résiste que peu de temps à Morphée dans ces conditions ! Je suis trop avide de découvertes pour relire. En principe je ne relis jamais quoi que ce soit, à moins d’une demande expresse dans le cadre d’un travail à effectuer, mais même comme ça c’est rare ! J’ai la chance d’avoir une bonne mémoire et … une grosse documentation !

Quelle collection aimerais-tu que nous allions visiter après la tienne ?

Je crois qu’un amateur curieux doit aller visiter la collection de Dominique Martel ! Dominique collectionne la SF, comme de nombreux amateurs, mais avec un projet supérieur ! Chez lui on ne trouvera que le meilleur des textes, la meilleure traduction ou le volume le plus complet. De plus ses étagères sont rangées d’une façon inédite qui permet de lire immédiatement l’importance des ouvrages ainsi que la traçabilité des textes ! C’est l’un des rangements les plus curieux qui soient, pourtant c’est celui qui se rapproche le plus de la réalité du domaine, sans cesse en évolution ! Cette bibliothèque est une œuvre de science-fiction en soi !

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