Comment sont disposées tes bibliothèques ?
Au salon, les bandes dessinées et les livres d’art, d’architecture, l’illustration.
Je rachète des intégrales de bd depuis que Dupuis notamment a lancé un gros travail patrimonial et réédite des tonnes de choses intéressantes de manière bien travaillée. J’achète beaucoup de vieilleries en bd et finalement assez peu de nouveautés.
La tranche du milieu, là, c’est la poésie, plutôt en prose qu’en vers, et la psychogéographie qui est l’art de se promener en ville et de le raconter. C’est un domaine culte dont le nom a été inventé par Guy Debord. C’est un terme plutôt utilisé par les Anglais que par les Français. La psychogéographie se pratique surtout à Londres et à Paris, ce sont les deux villes principales, même si on peut le faire dans tous les environnements urbains. J’ai là aussi des livres de promenade, d’exploration urbaine, tous ces domaines connexes.
Il y a même des bandes dessinées de psychogéographie. L’Homme qui marche est un de mes bouquins favoris. Je l’ai offert des tas de fois, car c’est un manga de psychogéographie. C’est la version luxe.
Un bouquin historique de psychogéographie, car il date des années 50. Il a été refait dans une très belle édition chez Attila. L’agent en a acheté les droits comme on le ferait de droits étrangers, pour en réaliser une édition illustrée vraiment jolie, maquettée à la manière des fifties.
J’ai un petit rayon Bordeaux, la ville où j’habite. Ce livre de Michel Suffran est superbe. Texte génial, illustrations magnifiques, un bouquin génial. Apparemment, il en existe un deuxième sur les jardins à Bordeaux, mais je ne l’ai jamais trouvé.
Ici, c’est le rayon « nature writing » anglais, c’est un genre que j’adore et qui n’existe pas en France. Il y a deux grands auteurs actuellement : Robert MacFarlane et Richard Mabey.
Ils se promènent dans la nature, décrivent les arbres, cherchent l’origine des noms de lieux, le rapport entre lieux et culture. C’est fascinant.
C’est Roger Deaking qui a relancé ça en Angleterre. Il a rencontré un succès colossal, mais il est mort d’un cancer foudroyant. Le projet de Waterlog est complètement fou. Il a décidé de nager partout. Il se mettait à poil et nageait dans les rivières, les ruisseaux, et il a visité l’Angleterre comme ça. C’est devenu à la mode là-bas. On a rouvert les lidos, qui sont les piscines sur les cours d’eau et les rivières. C’est devenu une discipline. Les gens nagent partout. Il a fait d’autres bouquins où il marchait dans la nature et racontait comment il dormait dehors.
Le seul Français qui a fait ça bien, c’est Jacques Lacarrière. Il a traversé la moitié de la France en diagonale, à pied, et a tout raconté. Axel Kahn a voulu faire pareil, mais encore faut-il savoir écrire.
Il y a quelques exceptions, en France, comme un carnet de Julien Gracq. Mais du « nature writing » par Gracq, c’est génial.
Je suis simplement un lecteur, pas un collectionneur. Je veux bien être considéré comme un amasseur de livre, mais je ne collectionne pas. Quand des livres ne m’intéressent plus, je les donne ou je les revends.
Tu as commencé par lire des bd ou des romans ?
Des bd, car il y en avait chez moi. Mon jeune oncle en lisait et il y avait tous les Lucky Luke, les Astérix, les Spirou & Fantasio chez mon grand-père. J’ai découvert les romans un peu en même temps, mais plus tard je suis devenu libraire de bd et le suis resté longtemps. Ce qui a entretenu ma passion pour la bande dessinée. J’en achetais des tonnes quand j’étais libraire.
Il y a du Disney, du franco-belge, mais très peu de comics. Je n’ai pas lu de bd de super-héros enfant et je suis tombé dedans tardivement, au début des années 90. J’en ai donc assez peu.
Il y a énormément de choses excellentes dans la production Disney actuelle. Mickey Parade, c’est du matériel italien. Ce sont les Italiens qui ont développé la bd Disney, au début de façon pirate, puis ils ont obtenu l’autorisation et c’est devenu une école de bd en soi. Pour moi, un des apports principaux de la bande dessinée, c’est le comique. Pas le réalisme que l’on peut trouver au cinéma ou ailleurs. Le gros nez et les animaux qui parlent en particulier sont des spécificités de la bande dessinée. L’école italienne est absolument passionnante.
Voilà une série actuelle, en pseudo-sépia, très belle, dans Mickey Parade. C’est l’histoire d’un gentleman-cambrioleur qui se passe en grande partie en France. Il y a Achille Poirot, et là ils introduisent Watson et Holmes. Il y a eu un épisode avec Belphégor, aussi. C’est super fun. C’est de la bd Disney italienne en hommage à la littérature populaire anglaise et française.
Ça, c’est une édition originale qu’a acheté mon grand-père. Il y a encore le prix dessus : 4,95 F. Il l’avait acheté à la boutique de presse pas loin de chez lui et avait même demandé à la marchande de l’épouser. Mais elle a dit non, dommage, j’aurais bien aimé.
Pas beaucoup de comics, mais surtout du Vertigo, parce que c’est le label qui m’a fait découvrir la bd américaine. Comme c’est un label de fantastique, de fantasy et de SF, c’est l’univers dans lequel je suis resté. Il y a un peu de Batman derrière.
Ça, je les ai trouvés à côté de la poubelle à verre. Il y avait un carton de champagne rempli de ces petits formats. Je ne les collectionne pas. Mais ceux d’à côté, je les ai achetés neufs, à la braderie de Lille, dans une banlieue plus exactement. Au cul d’une camionnette, un type vendait tout un tas d’Arédit. Mes camarades se sont précipités et les ouvrages étaient neufs. Le type, c’était l’ancien gardien de l’entrepôt. Mais comme Arédit avait fait faillite depuis belle lurette, il se faisait un peu d’argent à chaque braderie.
Ici, tous les bouquins que j’ai écrits ou auxquels j’ai collaboré, avec des articles, des préfaces, etc. Autrement, on oublie ou on perd. Même si j’ai perdu certaines choses, d’ailleurs.
Ce mur, c’est toute la production des Moutons électriques.
Ici, les romans par ordre alphabétique. Mais tout mélangé : fantasy, fantastique, SF, littérature générale, sauf le polar et la littérature populaire qui sont dans les étagères noires sur le côté. J’ai séparé le polar parce que c’est un genre que je lis en priorité et que j’adore. J’en entasse et c’est un domaine bien à part en littérature, le roman policier. À ne pas confondre avec le roman noir. J’aime surtout le polar victorien et le polar « Golden Age », c’est-à-dire de l’entre-deux-guerres. Je lis tout de même du polar actuel, mais ma vraie passion, c’est le polar entre-deux-guerre.
J’ai aussi un milliard de pastiches de Sherlock Holmes.
Là, mes bouquins sur Londres et un peu sur l’Angleterre.
La collection L’Empreinte, une des grandes collections françaises, qui existait avant et après la guerre. Tardi en parle dans L’Étrangleur, où un libraire en vend. C’était LA grande collection policière avant Le Masque et la Série Noire. Elle s’est arrêtée dans les années 50. Ce ne sont pas spécialement des bonnes traductions, même si certaines le sont, mais c’est uniquement du polar Golden Age surtout anglais, un peu américain. Il y a plein de polars super rares en anglais, parce qu’il s’en est produit une quantité folle dans l’entre-deux-guerres, mais ils n’étaient pas forcément en librairie, surtout conçus pour les bibliothèques circulantes. La lecture publique était très florissante à l’époque en Angleterre et il y avait des sortes de bouquinistes chez qui l’on pouvait ramener et échanger des livres, ce qu’on appelait des bibliothèques circulantes. Une partie des polars était produite directement, en hardcover pour ce marché. C’était donc énormément lu, avec des tirages pas forcément très gros, et une fois usés les livres ont été jetés. Une bonne part de l’âge d’or est donc rarissime en anglais.
Le Masque a pris ensuite la relève et a publié beaucoup d’auteurs qu’on a toujours du mal à trouver en anglais. Ce qui explique pourquoi j’achète aussi des traductions de polars, ce que je ne fais pas pour les autres genres.
Maintenant, j’achète beaucoup de polars Golden Age d’occasion, grâce au net. Et il y a beaucoup de rééditions, enfin. La British Library fait des best-sellers avec des vieux bouquins des années 30. Un effet polar ancien qui n’existe pas en France.
L’auteur que j’adore, c’est Margery Allingham. Elle a été publiée au Masque et il y a une intégrale chez Omnibus. C’est des quatre grands auteurs de polar avec Agatha Christie, Dorothy Sayers et peut-être Ngaio Marsh, qui est Néo-zélandaise et que je n’aime pas trop. Mais Allingham, c’est fabuleux, de la littérature très subtile. D’ailleurs la trilogie uchronique de Jo Walton chez Denoël est un pastiche d’Allingham. C’est un exercice de style.
Allingham est un peu oubliée, mais c’est un auteur important.
Les premiers romans policiers que je me rappelle avoir lus, c’était chez mon grand-père. J’avais une jaunisse et j’ai donc lu tous les Marple et tous les Poirot en quelques jours. Et les premiers romans tout court, c’était la Bibliothèque Rose, le Club des Cinq. Je les ai relus en anglais, il y a quelques années, pour faire des biographies dans mon livre sur les jeunes détectives. C’est très mal écrit. C’est moins pire en français. Sur les cinq premiers, il n’y en a qu’un qui soit bien. Bon, ça fonctionne, mais ce n’est pas très bon. Alors que les Fantômette, surtout ceux des années 60-70, sont bien écrits et d’une inventivité folle. Il utilise des structures d’Oulipo, se renouvelait tout le temps et s’éclatait bien. C’est bourré d’humour. Je continue à les relire et j’apprécie beaucoup.
J’ai grandi dans les années 70, une époque où le grand public ne savait pas ce qu’était la science-fiction. Le terme était très peu utilisé, même si on ne s’en rend plus compte maintenant. Enfant, à la fin des années 60, le label n’était pas sur les livres. À la bibliothèque, j’ai bien vu que ce genre-là m’intéressait et j’en ai donc cherché. Il n’y en avait pas beaucoup. Jusqu’au jour où Jacques Sadoul a introduit de la SF chez J’ai Lu sans marquer dessus que ça en était. Il faisait une émission à la télé, des petits segments où il présentait à chaque fois un livre, comme par hasard paru chez J’ai Lu, du genre À la Poursuite des Slans, ce genre de chose. « Gens de la Terre, bonjour ! » disait-il d’une voix nasillarde. Et c’est grâce à lui que j’ai découvert la SF.
En plus, la bibliothèque a fermé et ils n’ont pas rappelé les lecteurs. Mon copain Greg avait emprunté ce livre de Jacques Sadoul et il me l’a donné. C’est, pour moi, le bouquin séminal qui m’a fait découvrir la science-fiction. Il détaille le sommaire de tous les pulps et les revues américaines de l’âge d’or.
J’ai adoré le Seigneur des anneaux, comme tout le monde. Je l’ai lu sept fois à l’époque. J’ai essayé de le relire, il y a douze ans, mais je n’ai pas réussi. Trop hiératique, un peu ennuyeux.
Il n’y avait rien en fantasy dans le temps, en France, et c’était très frustrant. Je voyais bien que j’aimais ce genre qui n’avait pas de nom alors j’ai lu le peu de choses qu’on pouvait trouver. J’ai lu les Conan, même si je n’aimais pas trop ces histoires pleines de testostérones. Puis la fantasy de Poul Anderson, excellent. Thomas Burnett Swan.
Dans les années 80, j’ai rencontré Jean-Daniel Brèque, Michel Pagel et Patrick Marcel et ils ont essayé de me convaincre de lire en anglais. Eux lisaient en anglais, mais moi j’étais très mauvais, j’avais redoublé la 4e à cause de l’anglais. Lire en anglais voulait dire pouvoir lire de l’horreur et de la fantasy qui n’était pas encore traduite en France.
Patrick a été très malin, il m’a donné ce bouquin de Gore Vidal, un classique de la littérature gay. Et je l’ai dévoré parce que c’était la première fois que je lisais un livre qui parlait de la vie homosexuelle. Comme j’allais déjà souvent à Londres, je me suis mis à acheter de la fantasy en anglais.
J’ai toujours eu à peu près la même quantité de livres. Grosso modo 5000 romans, en renouvelant.
Il y a des auteurs qui prennent beaucoup de places dans ma collection. Comme Charles de Lint, par exemple, qui n’a eu que deux ou trois romans traduits. C’est le grand auteur de fantasy urbaine, qui a débuté au début des années 80, à une époque où la fantasy urbaine n’existait pas et il a participé à sa création.
Anansi Boys, de Gaiman est un pastiche de De Lint, avec un style purement utilitaire, alors que De Lint est très lyrique. De Lint a trouvé ça très bien.
Le meilleur auteur contemporain, pour moi, c’est China Miéville. J’ai aussi beaucoup de livres de Patrick Modiano ou de Haruki Murakami, qui comptent parmi mes auteurs préférés.
Ici, dans ma chambre, il n’y a que des livres de jeunesse. Ce que l’on appelle l’enfantina, c’est-à-dire, les albums et les collections pour la jeunesse. Je ne les lis pas tous, mais j’en lis vraiment beaucoup. Quelques amies m’ont contaminé et m’ont donné envie de collectionner ce genre, que l’on trouve beaucoup sur les brocantes et les vide-greniers.
Il y a là des bd d’animaux qui parlent que j’adore, les « petits formats », et les quelques mangas que j’ai.
Il y a là beaucoup de Bibliothèque Rose, dont ceux que j’avais quand j’étais petit.
Je regrette toujours de m’être débarrassé des Bob Morane que j’avais revendus chez Gibert pour gagner trois sous.
J’adore les Six compagnons, par exemple, qui est une série moins connue et que je n’avais pas lue étant môme. Bien écrit, de gauche, très fun. J’en lis beaucoup. Ça se lit à toute vitesse.
Tes habitudes de lectures ?
Je lis un peu le matin quand j’ai le temps. Et le soir, en deux parties. Un bouquin au salon, puis un autre dans la chambre avant de m’endormir. Au lit, je lis des livres plutôt confortables, marrants, pas trop stressants, plutôt cosy. Les Fantômette, par exemple, ou des vieux polars.
Un album de Superman en Portugais.
Quelle collection aimerais-tu que nous allions visiter après la tienne ??
Celles de Philippe Poirier, de Patrick Marcel et de Neil Gaiman. J’aimerais bien aussi voir celle de Bernard Joubert.